Céline Magnano

L’avenir de l’industrie musicale à l’ère de l’IA

(Une opinion personnelle, assumée et évolutive)

Introduction

L’intelligence artificielle modifie l’industrie musicale à une vitesse que personne n’avait anticipée.
Certains y voient une opportunité, d’autres une menace.
De mon côté, je veux partager mon opinion personnelle, une réflexion nourrie par mon expérience d’artiste, de réalisatrice et par de nombreuses discussions avec des professionnels, des amis musiciens et des acteurs du milieu.

Ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas qu’une évolution technologique, c’est une transformation culturelle profonde.

Et être artiste en 2025, c’est apprendre à se positionner face à un futur qui arrive plus vite que prévu.


L’avenir de l’industrie musicale à l’ère de l’IA

1. Deux visions s’opposent dans l’industrie musicale

1.1 L’IA comme moyen d’accessibiliser la culture

Pour beaucoup d’acteurs de la tech et de certaines structures, l’IA est une révolution positive.
Elle permettrait de :

  • rendre la création accessible,
  • réduire considérablement les coûts de production,
  • démocratiser la composition musicale,
  • permettre à des personnes non formées de créer.

Des outils comme Suno, Splice, Stability Audio, AIVA ou Loudly poussent déjà vers cette vision.
Ils promettent une création rapide, illimitée et presque gratuite.

Pour ces acteurs, l’avenir de la musique doit suivre la logique des autres industries numériques :
ubériser la musique.
C’est-à-dire rendre la création accessible, massive, instantanée et à faible coût.

Ce n’est ni bien ni mal.
C’est un choix de modèle culturel.

1.2 L’IA comme menace directe pour les métiers humains

De l’autre côté, beaucoup de professionnels craignent que l’IA :

  • supprime des emplois,
  • remplace des ingénieurs du son,
  • réduise le rôle des réalisateurs,
  • remplace les compositeurs,
  • uniformise la musique,
  • dépersonnalise la culture.

Et ils ont raison de s’inquiéter.
Car aujourd’hui déjà :

  • des studios ferment,
  • certains compositeurs perdent des contrats,
  • l’économie du mixage et de la production se fragilise,
  • certains labels misent sur l’IA pour réduire leurs budgets.

Ce n’est pas une théorie, c’est une réalité.


2. Deux univers musicaux vont émerger

Je pense sincèrement que la musique va suivre le même modèle que la mode lors de la mondialisation.
Elle va se diviser en deux grandes catégories, comme :

  • Shein pour le grand public,
  • Louis Vuitton pour le luxe.

2.1 Le monde de la musique IA

Une musique :

  • rapide à produire,
  • peu coûteuse,
  • optimisée pour les réseaux,
  • destinée à l’ambiance, aux vidéos, au divertissement immédiat.

Une musique consommable.
Une musique pratique.
Une musique ubérisée.

2.2 Le monde de la musique humaine

Une musique créée par des artistes qui racontent quelque chose.
Une musique avec une histoire, une personnalité, des failles, un vécu.

Cette musique deviendra un marché plus rare, presque un marché de luxe émotionnel.
Elle attirera un public plus conservateur, plus sensible, plus attaché à l’humain.

On ne peut pas comparer ces deux univers.
Ils coexisteront.
Ils ne s’opposent pas, ils répondent à des besoins différents.


3. Le modèle de dépôt des œuvres va radicalement changer

3.1 Pour la musique humaine

On continuera à déposer :

  • lignes mélodiques,
  • textes,
  • partitions,
  • enregistrements.

3.2 Pour la musique IA

On déposera… le prompt.
Ce qui deviendra protégeable n’est plus la mélodie, mais l’instruction donnée à la machine.

C’est un bouleversement immense.
La paternité d’une œuvre ne reposera plus uniquement sur ce qui est entendu, mais sur ce qui a généré l’œuvre.

De nouveaux labels apparaîtront :

  • labels “100 pour cent humains”,
  • labels “IA assumée”,
  • labels hybrides.

L’industrie n’aura d’autre choix que de structurer ces deux réalités.


4. Les sociétés d’auteurs s’adaptent déjà

Contrairement à ce qu’on croit, les institutions ne sont pas en retard.

4.1 La SACEM et d’autres organismes travaillent sur

  • des outils capables de détecter si une œuvre a été créée par IA,
  • la distinction musique IA versus musique humaine,
  • la reconnaissance algorithmique des œuvres,
  • la gestion des dépôts hybrides,
  • les futures règles de rémunération IA versus humains.

Et oui,

ce sera l’IA qui détectera la musique créée par l’IA.

On entre dans un futur où la machine devient le gardien des créations de la machine.


5. Le modèle économique doit être entièrement repensé

5.1 Le système actuel est dépassé

Depuis la digitalisation :

  • les revenus sont dilués,
  • les écoutes sont éclatées,
  • la valeur de la musique a chuté,
  • les plateformes captent la majorité des revenus.

Toute la chaîne a besoin d’être reconstruite.

5.2 La musique humaine et la musique IA ne peuvent pas être rémunérées de la même manière

C’est un enjeu éthique et économique.

Un artiste humain investit :

  • des années de travail,
  • des expériences,
  • une personnalité,
  • des émotions.

Une IA prend quelques secondes.
On ne peut pas rémunérer ces deux processus sur un modèle identique.

Il faudra revoir :

  • les barèmes de droits,
  • les répartitions,
  • les revenus streaming,
  • la fiscalité liée à l’IA,
  • la définition même de “créateur”.

5.3 La musique humaine deviendra un marché premium

Comme dans la mode,
ce qui est rare prend de la valeur.
Ce qui est facile devient courant.

Ce n’est pas une menace.
C’est une évolution logique.


6. Faut-il avoir peur ?

Je ne le pense pas.
Ce n’est pas la première fois que la musique traverse un bouleversement :

  • le synthétiseur n’a pas tué l’orchestre,
  • la MAO n’a pas tué les musiciens,
  • le streaming n’a pas tué les labels,
  • TikTok n’a pas tué la sincérité artistique.

L’IA ne tuera pas l’art.
Elle déplacera les frontières.


7. Ce que l’IA ne pourra jamais voler

L’IA n’a pas de cœur.
Pas d’histoire.
Pas de blessures.
Pas d’émotions.
Pas de contradictions.

Elle n’a ni intuition, ni vécu, ni faille.

Elle ne comprend pas ce qui touche l’humain.
Elle ne fait que prédire ce qui a déjà été aimé.

Toi, tu fais sentir ce qui n’est pas encore entendu.
Et c’est là que résidera la vraie valeur.


Conclusion

L’industrie musicale ne va pas disparaître.
Elle va se scinder en deux mondes :

  • un univers ubérisé, rapide, génératif,
  • un univers humain, incarné, émotionnel.

Ces deux mondes ne sont pas ennemis.
Ils répondront simplement à des attentes différentes.

Je crois profondément qu’il y aura toujours un public pour la musique vraie, vivante et humaine.
Un public qui cherche la faille et non l’efficacité.
Un public qui veut ressentir plutôt que consommer.

Parce qu’au fond,

la musique est un lien, pas un produit.

Et aucune IA ne pourra jamais remplacer ça.


Remerciements

Cet article n’est pas né seul.
Il est le résultat de nombreuses conversations, débats et réflexions partagées.

Je remercie profondément :

  • mes amis anonymes,
  • les professionnels du milieu musical,
  • les artistes, musiciens et créateurs avec qui j’ai échangé,

pour leurs idées, leurs contradictions, leur lucidité et leur sensibilité.
C’est grâce à eux que j’ai pu construire cette opinion et écrire cet article.

Merci à tous.

Céline Magnano

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